lundi 20 mars 2017

A la grâce de la Samaritaine


Prédication du 19 mars 2017,

temple Port-Royal / Quartier latin (Paris 5 et 13)

Antoine Peillon SDG

Sur Jean 4,5-42



 
Jésus et la Samaritaine, école italienne du XVIIe siècle, musée de valence (Drôme)

Jean 4,5-42 (Segond 1910)
5 il (Jésus) arriva dans une ville de Samarie, nommée Sychar, près du champ que Jacob avait donné à Joseph, son fils.
6 Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué du voyage, était assis au bord du puits. C'était environ la sixième heure.
7 Une femme de Samarie vint puiser de l'eau. Jésus lui dit : Donne-moi à boire.
8 Car ses disciples étaient allés à la ville pour acheter des vivres.
9 La femme samaritaine lui dit : Comment toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine ? -Les Juifs, en effet, n'ont pas de relations avec les Samaritains. -
10 Jésus lui répondit : Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire ! tu lui aurais toi-même demandé à boire, et il t'aurait donné de l'eau vive.
11 Seigneur, lui dit la femme, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond ; d'où aurais-tu donc cette eau vive ?
12 Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux ?
13 Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau aura encore soif ;
14 mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura jamais soif, et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.
15 La femme lui dit : Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n'aie plus soif, et que je ne vienne plus puiser ici.
16 Va, lui dit Jésus, appelle ton mari, et viens ici.
17 La femme répondit : Je n'ai point de mari. Jésus lui dit : Tu as eu raison de dire : Je n'ai point de mari.
18 Car tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari. En cela tu as dit vrai.
19 Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es prophète.

20 Nos pères ont adoré sur cette montagne ; et vous dites, vous, que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem.
21 Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père.
22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs.
23 Mais l'heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont là les adorateurs que le Père demande.
24 Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et en vérité.
25 La femme lui dit : Je sais que le Messie doit venir (celui qu'on appelle Christ) ; quand il sera venu, il nous annoncera toutes choses.
26 Jésus lui dit : Je le suis, moi qui te parle.
27 Là-dessus arrivèrent ses disciples, qui furent étonnés de ce qu'il parlait avec une femme. Toutefois aucun ne dit : Que demandes-tu ? ou : De quoi parles-tu avec elle ?
28 Alors la femme, ayant laissé sa cruche, s'en alla dans la ville, et dit aux gens :
29 Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait ; ne serait-ce point le Christ ?
30 Ils sortirent de la ville, et ils vinrent vers lui.
31 Pendant ce temps, les disciples le pressaient de manger, disant : Rabbi, mange.
32 Mais il leur dit : J'ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas.
33 Les disciples se disaient donc les uns aux autres : Quelqu'un lui aurait-il apporté à manger ?
34 Jésus leur dit : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé, et d'accomplir son œuvre.
35 Ne dites-vous pas qu'il y a encore quatre mois jusqu'à la moisson ? Voici, je vous le dis, levez les yeux, et regardez les champs qui déjà blanchissent pour la moisson.
36 Celui qui moissonne reçoit un salaire, et amasse des fruits pour la vie éternelle, afin que celui qui sème et celui qui moissonne se réjouissent ensemble.
37 Car en ceci ce qu'on dit est vrai : Autre est celui qui sème, et autre celui qui moissonne.
38 Je vous ai envoyés moissonner ce que vous n'avez pas travaillé ; d'autres ont travaillé, et vous êtes entrés dans leur travail.
39 Plusieurs Samaritains de cette ville crurent en Jésus à cause de cette déclaration formelle de la femme : Il m'a dit tout ce que j'ai fait.
40 Aussi, quand les Samaritains vinrent le trouver, ils le prièrent de rester auprès d'eux. Et il resta là deux jours.
41 Un beaucoup plus grand nombre crurent à cause de sa parole ;
42 et ils disaient à la femme : Ce n'est plus à cause de ce que tu as dit que nous croyons ; car nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons qu'il est vraiment le Sauveur du monde.

*


Pauvre Jésus !, si fatigué de marcher sous le soleil brûlant, dans ce pays de Samarie, puisqu’il doit, puisqu’il faut qu’il traverse ces montagnes hostiles aux Juifs pour rejoindre la Galilée depuis la Judée et Jérusalem, après un premier voyage qui l’a mené de Cana à Capharnaüm, en Galilée, de Capharnaüm à Jérusalem, en Judée…
Pauvre Jésus, laissé seul par ses compagnons, ses disciples, qui sont partis en ville, à Sychar, pour se ravitailler, peut-être pour se distraire aussi un peu…
Oui, pauvre Jésus, assis au bord d’un puits, en plein midi, sans aucun moyen d’y prendre seulement un peu d’eau pour étancher la soif qui le tenaille.
Il est « fatigué du voyage », nous dit l’évangéliste. Physiquement, certainement. Mais n’est-il pas aussi démoralisé, juste après avoir subi le questionnement obtus - et nocturne - du pharisien Nicodème, un chef des Juifs qui n’a rien voulu comprendre à propos de la nouvelle naissance de celui qui veut voir le Royaume de Dieu, ni rien accepté d’entendre au sujet de l’Esprit qui souffle où il veut.
Le tableau est un peu déprimant : le soleil qui achève de monter au zénith ; la poussière du long chemin déjà parcouru qui poudroie sur les sandales, la tunique et dans les cheveux de Jésus ; ce puits si profond que son eau est hors de portée des mains et des lèvres de l’assoiffé.

***

Mais voici ! Voici qu’apparaît une femme qui vient puiser de l’eau, une Samaritaine équipée de la corde et d’une jarre, nécessaires à qui veut accéder au liquide précieux, salvateur en cette sixième heure où tous les êtres vivants sont menacés de se momifier très rapidement s’ils ne boivent pas à leur soif.
Voici donc une apparition ! Au « puits de Jacob », puisqu’il est ainsi identifié dès le second verset de l’épisode, une femme rejoint Jésus. Et aussitôt, nous, auditeurs et compagnons de Jean, nous qui connaissons la Bible par cœur, bien sûr, nous devinons immédiatement qu’une extraordinaire histoire d’amour commence.
Car c’est autour d’un puits que Moïse est venu en aide aux filles de Reouel, le sacrificateur de Madian, dont Séphora qu’il épousera. « Un Égyptien (…) a puisé (de l’eau) et a fait boire le troupeau », nous raconte le livre de l’Exode (2 : 16-21)
C’est au bord d’un autre puits, que Rébecca s’est destinée à Isaac, comme nous le raconte le chapitre 24 de la Genèse. Ecoutons le premier livre de la Bible : « 16 C’était une très belle jeune fille ; elle était vierge, et aucun homme ne l’avait connue. Elle descendit à la source, remplit sa cruche et remonta. 17 Le serviteur (d’Abraham, le père d’Isaac) courut à sa rencontre et dit : Donne-moi, je te prie, quelques gorgées d’eau de ta cruche. 18 Elle répondit : Bois, mon seigneur ! Et elle s’empressa d’incliner sa cruche et de lui donner à boire. » Quelle trame pour le récit johannique de la Samaritaine, n’est-ce pas !
Et c’est encore auprès d’un puits que Jacob et Rachel connaissent le coup de foudre. Ecoutons toujours la Genèse, en son chapitre 28, pour y entendre les échos qui résonneront neuf siècles plus tard dans l’évangile de Jean : « 1 Jacob se remit en marche et s’en alla au pays des fils de l’Orient. 2 Il aperçut un puits dans la campagne. (…) 10 Lorsque Jacob vit Rachel, fille de Laban, frère de sa mère, et le petit bétail de Laban, il s’approcha, roula la pierre de l’ouverture du puits et abreuva le petit bétail de Laban. 11 Puis Jacob donna un baiser à Rachel, et se mit à sangloter. »
Ah, Jacob ! Jacob bouleversé, renversé, converti à l’amour… Mais nous allons revenir bientôt à lui.

***

Il y a longtemps, maintenant, je travaillais sur les romans de chevalerie, les poèmes des trouvères et des troubadours. En lisant les versets de l’évangéliste Jean, j’ai ainsi reconnu la conversation galante de Lancelot avec sa Dame du Lac, ou de Perceval avec Blanchefleur. J’ai aussitôt reconnu ce désir qui fait la poésie et même le charme du texte, un désir transmuté en amour courtois, un éros sublimé qui irradie l’agapé, cette parfois trop froide charité, d’une lumière surnaturelle.
Alors, la rencontre de Jésus avec la Samaritaine, au bord du puits de Jacob, est-ce une histoire de cœur, une love story, une aventure courtoise de plus ?

***

Revenons au texte.
Je l’ai dit au début de ma prédication, Jean nous donne à voir un Jésus fatigué, peut-être découragé. Humain, trop humain. De même qu’il nous donne à entendre ce même Jésus quémander, parce que dépendant du bon vouloir et de l’équipement d’une « femme de Samarie » : « Donne-moi à boire. »
Mais nous sommes des lecteurs avertis de l’évangile, contrairement à la Samaritaine qui est un personnage forcément ignorant ce qui précède et aussi ce qui suit l’épisode où il intervient. Nous, nous savons donc déjà qui est vraiment Jésus, car dès le fameux prologue de l’évangile de Jean, nous avons lu que « la Parole a été faite chair » et qu’« elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ». Nous avons déjà « contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père ». Et nous avons déjà « tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce », car « la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ ».
Il n’empêche. La révélation johannique va suivre le cours progressif d’une conversation effectivement courtoise.
La Samaritaine s’étonne, premièrement, qu’un Juif lui adresse seulement la parole, même si c’est pour lui demander de l’aide. Il y a là un premier renversement des totems et des tabous de la Palestine du temps des Hérode (le Grand, Antipas, Archélaos…), car les Samaritains sont jugés hérétiques et impurs par les Juifs, au point que la guérilla est incessante entre eux.
En lui demandant de lui donner à boire, Jésus s’incline devant la Samaritaine, alors que la loi lui intimait de la mépriser, voire de la repousser violemment. Calvin lui-même, dans son commentaire de Jean[1], n’écrivait-il pas, en 1553, à propos des cinq anciens maris de la jeune femme : « J’interprète ainsi ces paroles : ’’Dieu t’avait conjointe avec des maris légitimes, mais tu n’as cessé de pécher, jusqu’à ce que t’étant rendue infâme par plusieurs divorces, tu te sois prostituée à paillardise.’’ » ?
Il y a là, dans la demande de Jésus, un premier acte de reconnaissance qui transgresse radicalement les séparations morale, religieuse et politique, instituées par l’histoire. Un acte génératif d’une reconnaissance réciproque, car elle permet à Jésus de faire comprendre à la Samaritaine la signification de sa demande. « Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire... », lui souffle-t-il.
Attention : la lecture au plus près du texte grec et selon la rhétorique des contemporains de Jean rétablit ainsi le sens de cette phrase énigmatique : « Celui qui te dit : ’’donne-moi à boire’’ est le don de Dieu… » Et lui-même a une « eau vive » (ὕδωρ ζῶν / ùdor zón / « eau vivante ») à donner à boire à la Samaritaine et à ceux qui n’auront dès lors plus jamais soif.
Don et contre-don, en quelque sorte, où se joue une reconnaissance réciproque aux perspectives évidemment spirituelles.
D’ailleurs, la Samaritaine répond aussitôt à Jésus en le nommant « Seigneur ».

***

Mais le mot « don » n’est pas le terme juste, même si c’est celui qu’ont choisi toutes nos traductions diverses et variées.
L’évangile n’est pas un traité d’anthropologie et Jean n’est pas un disciple de Marcel Mauss. Ici, il s’agit de théologie.
Le verset 10 est, de ce point de vue, un moment de basculement : (Je cite) « Jésus lui répondit : Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire !, c’est toi qui lui aurais demandé (à boire), et il t’aurait donné de l’eau vive. » Ici, « don », δωρεὰν (dōrean) en grec, doit être bien mieux traduit par le mot « grâce », c'est-à-dire le don gratuit ou gracieux. Et quatre occurrences de dōrean dans le Nouveau Testament le démontrent de façon particulièrement adéquate à notre texte du jour.
Je cite :
Matthieu (10:8) : « Guérissez les malades, réveillez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement.
Romains (3:24) : « Et c’est gratuitement qu’ils sont justifiés par sa grâce, au moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ. »
Apocalypse de Jean (21:6) : « Il me dit : C’est fait ! Je suis l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin. A celui qui a soif, je donnerai de la source de l’eau de la vie, gratuitement. »
Et l’Apocalypse de Jean encore (22:17) : « L’Esprit et l’épouse disent : Viens ! Que celui qui entend, dise : Viens ! Que celui qui a soif, vienne ; que celui qui veut, prenne de l’eau de la vie gratuitement ! »

***

« L’eau de la vie », ou « eau vive », ὕδωρ ζῶν / ùdor zón : « eau vivante »…
Mais de quoi est-elle donc faite, cette « eau vive » ? Vérité, Esprit, grâce… La métaphore est bien entendu infinie.
Mais Jean nous répond par degrés, au fil du dialogue très socratique qui emporte Jésus et la Samaritaine jusqu’à des horizons de sens toujours plus élevés. Comme s’il nous invitait à le suivre sur la fameuse échelle de Jacob (tiens, le revoici celui-ci, comme sorti de son puits…), l’échelle où « les anges de Dieu montaient et descendaient », selon la Genèse (28:12).
Une échelle que connaît parfaitement Jean puisque, dès le premier chapitre de son évangile, il y fait clairement allusion : (Je le cite) « Et il lui dit : Amen, amen, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l’homme. »
Dans le sens de la montée, donc, la Samaritaine va successivement reconnaître en Jésus un « Seigneur », aux versets 11, 15 et 19, puis un « prophète », au verset 19, puis le Messie « qu’on appelle Christ », au verset 25.
Dans le sens de la descente, Jésus plonge dans le cœur, dans l’âme et dans l’esprit de la Samaritaine, y découvrant la vérité nue de sa vie, c’est-à-dire sa soif d’amour sans limite, soif que symbolise la succession de ses cinq maris (symboles des cinq dieux des Samaritains primitifs, ou des cinq livres du Pentateuque que ce peuple acceptait comme seul livre saint ?) et même de « celui (qu’elle a) maintenant (et qui) n’est pas (s)on mari ».
Alors, entre la fournaise infernale de la terre à midi et la lumière divine du ciel à la même sixième heure, la Samaritaine et Jésus montent et descendent ensemble sur tous les échelons de la grâce. Une grâce qui est autant la soif divine de l’adoration humaine, en esprit et en vérité, que la soif de l’homme - en l’occurrence de la femme - d’Esprit saint.
La grâce est un dialogue. Elle est vaine, si elle ne génère pas un « rendre grâce » qui la reconnaît et en annonce même la bonne nouvelle.
Dans la suite de notre épisode, la Samaritaine, reconnue dans la vérité de son humanité, laissera sa jarre sur la margelle du puits de Jacob et courra à la ville pour révéler aux siens, les Samaritains méprisés mais toujours si « bons », la venue du Messie « qu’on appelle Christ ». Et les siens la croiront, accueillant Jésus chez eux pendant deux jours. « Beaucoup de Samaritains de cette ville-là mirent leur foi en lui à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : Il m'a dit tout ce que j'ai fait », raconte le verset 39 de notre chapitre.

***

Dieu est en quête de l’homme autant que l’homme espère en Lui, surtout quand l’heure vient.
Soif pour soif ; don de l’eau du puits pour don d’une source jaillissante d’eau vive « jusque dans la vie éternelle » ; amour et vérité pour Esprit. Jésus s’est révélé homme fragile parmi les hommes, mais aussi Seigneur, prophète et Messie, tout à la fois. Déclarant sa propre soif avant d’étancher celle d’une Samaritaine, il a, en quelque sorte, ouvert le chemin vers Pâques et la Résurrection.
Car au moment même de la dernière reconnaissance de sa qualité surnaturelle par la Samaritaine, celle de « Messie », Jésus-Christ va nous faire une ultime révélation.
Il est certes, je cite, « Parole devenue chair », « Fils unique issu du Père » et « Dieu Fils unique qui est sur le sein du Père », comme l’affirme généreusement le prologue de l’évangile de Jean. Mais il est, in fine, Dieu lui-même.
Au verset 26, selon toutes nos fautives traductions, Jésus dit à la Samaritaine qui le qualifie de Messie : « Je le suis, moi qui te parle. » Mais le texte grec de tous les manuscrits dit plus mystérieusement : « Je suis. » / Ἐγώ εἰμι (Ego eimi). Il fait alors écho au « Je suis qui je suis » (en hébreu : Ehyeh-Asher-Ehyeh / אהיה אשר אהיה) du livre de l’Exode (3:14), quand Dieu dit à Moïse : « Je suis celui qui suis. »
Que celui qui a des oreilles entende !

***

Mais, au fait, quelle heure est-il ?
Non, mes sœurs et mes frères, ne regardez pas vos montres. Je vais vous dire.
N’est-il pas bientôt midi ? Et n’est-elle pas déjà venue l’heure d’adorer Dieu en esprit et en vérité ?
Ma sœur, mon frère, vers quel puits d’eau vive dirigeras-tu tes pas, au sortir du temple ? Vers quelle Samaritaine marginalisée, méprisée, humiliée, ou vers quel Jésus esseulé, fatigué, assoiffé porteras-tu ton secours, voire ton amour ? A qui donneras-tu à boire aujourd’hui ?
Avec quelle étrangère ou quel étranger commenceras-tu, ou approfondiras-tu, un dialogue en vérité et en esprit, une conversation où chacune et chacun offre et reçoit la reconnaissance de l’autre, et donc du Tout autre ?
A qui donneras-tu gratuitement à boire de cette eau vive, de cet amour que nous a enseigné la rencontre providentielle de Jésus avec la Samaritaine ?
Je te rends grâce, Seigneur, pour la méditation que ces merveilleux versets de Jean nous suggèrent, ce midi, pour cette bonne nouvelle qui est ainsi apportée à tous, enfants de Moïse, d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, sœurs et frères de la Samaritaine et de Jésus-Christ.
Amen !


[1] Jean Calvin, Commentaires bibliques. Evangile selon Jean (1553), Editions Kerygma & Editions Farel, 1978, pp. 107 et 108.

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