Prédication du 19 mars 2017,
temple Port-Royal / Quartier latin (Paris 5 et 13)
Antoine Peillon SDG
Sur Jean 4,5-42
Jésus et la Samaritaine, école italienne du XVIIe siècle, musée de valence (Drôme)
Jean 4,5-42 (Segond 1910)
5 il (Jésus) arriva dans une ville de
Samarie, nommée Sychar, près du champ que Jacob avait donné à Joseph, son fils.
6 Là se trouvait le puits de Jacob.
Jésus, fatigué du voyage, était assis au bord du puits. C'était environ la
sixième heure.
7 Une femme de Samarie vint puiser de
l'eau. Jésus lui dit : Donne-moi à boire.
8 Car ses disciples étaient allés à la
ville pour acheter des vivres.
9 La femme samaritaine lui dit :
Comment toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine
? -Les Juifs, en effet, n'ont pas de relations avec les Samaritains. -
10 Jésus lui répondit : Si tu
connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire ! tu
lui aurais toi-même demandé à boire, et il t'aurait donné de l'eau vive.
11 Seigneur, lui dit la femme, tu n'as
rien pour puiser, et le puits est profond ; d'où aurais-tu donc cette eau vive
?
12 Es-tu plus grand que notre père
Jacob, qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils
et ses troupeaux ?
13 Jésus lui répondit : Quiconque boit
de cette eau aura encore soif ;
14 mais celui qui boira de l'eau que
je lui donnerai n'aura jamais soif, et l'eau que je lui donnerai deviendra en
lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.
15 La femme lui dit : Seigneur,
donne-moi cette eau, afin que je n'aie plus soif, et que je ne vienne plus
puiser ici.
16 Va, lui dit Jésus, appelle ton
mari, et viens ici.
17 La femme répondit : Je n'ai point
de mari. Jésus lui dit : Tu as eu raison de dire : Je n'ai point de mari.
18 Car tu as eu cinq maris, et celui
que tu as maintenant n'est pas ton mari. En cela tu as dit vrai.
19 Seigneur, lui dit la femme, je vois
que tu es prophète.
20 Nos pères ont adoré sur cette montagne
; et vous dites, vous, que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem.
21 Femme, lui dit Jésus, crois-moi,
l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous
adorerez le Père.
22 Vous adorez ce que vous ne
connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient
des Juifs.
23 Mais l'heure vient, et elle est
déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ;
car ce sont là les adorateurs que le Père demande.
24 Dieu est Esprit, et il faut que
ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et en vérité.
25 La femme lui dit : Je sais que le
Messie doit venir (celui qu'on appelle Christ) ; quand il sera venu, il nous
annoncera toutes choses.
26 Jésus lui dit : Je le suis, moi qui
te parle.
27 Là-dessus arrivèrent ses disciples,
qui furent étonnés de ce qu'il parlait avec une femme. Toutefois aucun ne dit :
Que demandes-tu ? ou : De quoi parles-tu avec elle ?
28 Alors la femme, ayant laissé sa
cruche, s'en alla dans la ville, et dit aux gens :
29 Venez voir un homme qui m'a dit
tout ce que j'ai fait ; ne serait-ce point le Christ ?
30 Ils sortirent de la ville, et ils
vinrent vers lui.
31 Pendant ce temps, les disciples le
pressaient de manger, disant : Rabbi, mange.
32 Mais il leur dit : J'ai à manger
une nourriture que vous ne connaissez pas.
33 Les disciples se disaient donc les
uns aux autres : Quelqu'un lui aurait-il apporté à manger ?
34 Jésus leur dit : Ma nourriture est
de faire la volonté de celui qui m'a envoyé, et d'accomplir son œuvre.
35 Ne dites-vous pas qu'il y a encore
quatre mois jusqu'à la moisson ? Voici, je vous le dis, levez les yeux, et regardez
les champs qui déjà blanchissent pour la moisson.
36 Celui qui moissonne reçoit un
salaire, et amasse des fruits pour la vie éternelle, afin que celui qui sème et
celui qui moissonne se réjouissent ensemble.
37 Car en ceci ce qu'on dit est vrai :
Autre est celui qui sème, et autre celui qui moissonne.
38 Je vous ai envoyés moissonner ce
que vous n'avez pas travaillé ; d'autres ont travaillé, et vous êtes entrés
dans leur travail.
39 Plusieurs Samaritains de cette
ville crurent en Jésus à cause de cette déclaration formelle de la femme : Il
m'a dit tout ce que j'ai fait.
40 Aussi, quand les Samaritains
vinrent le trouver, ils le prièrent de rester auprès d'eux. Et il resta là deux
jours.
41 Un beaucoup plus grand nombre
crurent à cause de sa parole ;
42 et ils disaient à la femme : Ce
n'est plus à cause de ce que tu as dit que nous croyons ; car nous l'avons
entendu nous-mêmes, et nous savons qu'il est vraiment le Sauveur du monde.
*
Pauvre
Jésus !, si fatigué de marcher sous le soleil brûlant, dans ce pays de
Samarie, puisqu’il doit, puisqu’il faut qu’il traverse ces montagnes hostiles
aux Juifs pour rejoindre la Galilée depuis la Judée et Jérusalem, après un
premier voyage qui l’a mené de Cana à Capharnaüm, en Galilée, de Capharnaüm à
Jérusalem, en Judée…
Pauvre
Jésus, laissé seul par ses compagnons, ses disciples, qui sont partis en ville,
à Sychar, pour se ravitailler, peut-être pour se distraire aussi un peu…
Oui,
pauvre Jésus, assis au bord d’un puits, en plein midi, sans aucun moyen d’y
prendre seulement un peu d’eau pour étancher la soif qui le tenaille.
Il
est « fatigué du voyage », nous dit l’évangéliste. Physiquement,
certainement. Mais n’est-il pas aussi démoralisé, juste après avoir subi le
questionnement obtus - et nocturne - du pharisien Nicodème, un chef des Juifs
qui n’a rien voulu comprendre à propos de la nouvelle naissance de celui qui
veut voir le Royaume de Dieu, ni rien accepté d’entendre au sujet de l’Esprit
qui souffle où il veut.
Le
tableau est un peu déprimant : le soleil qui achève de monter au
zénith ; la poussière du long chemin déjà parcouru qui poudroie sur les
sandales, la tunique et dans les cheveux de Jésus ; ce puits si profond
que son eau est hors de portée des mains et des lèvres de l’assoiffé.
***
Mais
voici ! Voici qu’apparaît une femme qui vient puiser de l’eau, une
Samaritaine équipée de la corde et d’une jarre, nécessaires à qui veut accéder
au liquide précieux, salvateur en cette sixième heure où tous les êtres vivants
sont menacés de se momifier très rapidement s’ils ne boivent pas à leur soif.
Voici
donc une apparition ! Au « puits de Jacob », puisqu’il est ainsi
identifié dès le second verset de l’épisode, une femme rejoint Jésus. Et
aussitôt, nous, auditeurs et compagnons de Jean, nous qui connaissons la Bible
par cœur, bien sûr, nous devinons immédiatement qu’une extraordinaire histoire
d’amour commence.
Car
c’est autour d’un puits que Moïse est venu en aide aux filles de Reouel, le
sacrificateur de Madian, dont Séphora qu’il épousera. « Un Égyptien (…) a
puisé (de l’eau) et a fait boire le troupeau », nous raconte le livre de
l’Exode (2 : 16-21)
C’est
au bord d’un autre puits, que Rébecca s’est destinée à Isaac, comme nous le
raconte le chapitre 24 de la Genèse. Ecoutons le premier livre de la
Bible : « 16 C’était une très belle jeune fille ; elle était vierge,
et aucun homme ne l’avait connue. Elle descendit à la source, remplit sa cruche
et remonta. 17 Le serviteur (d’Abraham, le père d’Isaac) courut à sa rencontre
et dit : Donne-moi, je te prie, quelques gorgées d’eau de ta cruche. 18 Elle
répondit : Bois, mon seigneur ! Et elle s’empressa d’incliner sa cruche et de
lui donner à boire. » Quelle trame pour le récit johannique de la
Samaritaine, n’est-ce pas !
Et
c’est encore auprès d’un puits que Jacob et Rachel connaissent le coup de
foudre. Ecoutons toujours la Genèse, en son chapitre 28, pour y entendre les
échos qui résonneront neuf siècles plus tard dans l’évangile de Jean :
« 1 Jacob se remit en marche et s’en alla au pays des fils de l’Orient. 2
Il aperçut un puits dans la campagne. (…) 10 Lorsque Jacob vit Rachel, fille de
Laban, frère de sa mère, et le petit bétail de Laban, il s’approcha, roula la
pierre de l’ouverture du puits et abreuva le petit bétail de Laban. 11 Puis
Jacob donna un baiser à Rachel, et se mit à sangloter. »
Ah,
Jacob ! Jacob bouleversé, renversé, converti à l’amour… Mais nous allons
revenir bientôt à lui.
***
Il
y a longtemps, maintenant, je travaillais sur les romans de chevalerie, les
poèmes des trouvères et des troubadours. En lisant les versets de l’évangéliste
Jean, j’ai ainsi reconnu la conversation galante de Lancelot avec sa Dame du
Lac, ou de Perceval avec Blanchefleur. J’ai aussitôt reconnu ce désir qui fait
la poésie et même le charme du texte, un désir transmuté en amour courtois, un
éros sublimé qui irradie l’agapé, cette parfois trop froide charité, d’une
lumière surnaturelle.
Alors,
la rencontre de Jésus avec la Samaritaine, au bord du puits de Jacob, est-ce
une histoire de cœur, une love story,
une aventure courtoise de plus ?
***
Revenons
au texte.
Je
l’ai dit au début de ma prédication, Jean nous donne à voir un Jésus fatigué,
peut-être découragé. Humain, trop humain. De même qu’il nous donne à entendre
ce même Jésus quémander, parce que dépendant du bon vouloir et de l’équipement
d’une « femme de Samarie » : « Donne-moi à boire. »
Mais
nous sommes des lecteurs avertis de l’évangile, contrairement à la Samaritaine
qui est un personnage forcément ignorant ce qui précède et aussi ce qui suit
l’épisode où il intervient. Nous, nous savons donc déjà qui est vraiment Jésus, car dès le fameux prologue de
l’évangile de Jean, nous avons lu que « la Parole a été faite chair »
et qu’« elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ».
Nous avons déjà « contemplé sa
gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père ». Et nous
avons déjà « tous reçu de sa
plénitude, et grâce pour grâce », car « la grâce et la vérité sont
venues par Jésus-Christ ».
Il
n’empêche. La révélation johannique va suivre le cours progressif d’une
conversation effectivement courtoise.
La
Samaritaine s’étonne, premièrement, qu’un Juif lui adresse seulement la parole,
même si c’est pour lui demander de l’aide. Il y a là un premier renversement
des totems et des tabous de la Palestine du temps des Hérode (le Grand,
Antipas, Archélaos…), car les Samaritains sont jugés hérétiques et impurs par
les Juifs, au point que la guérilla est incessante entre eux.
En
lui demandant de lui donner à boire, Jésus s’incline devant la Samaritaine,
alors que la loi lui intimait de la mépriser, voire de la repousser violemment.
Calvin lui-même, dans son commentaire de Jean[1],
n’écrivait-il pas, en 1553, à propos des cinq anciens maris de la jeune
femme : « J’interprète ainsi ces paroles : ’’Dieu t’avait
conjointe avec des maris légitimes, mais tu n’as cessé de pécher, jusqu’à ce
que t’étant rendue infâme par plusieurs divorces, tu te sois prostituée à
paillardise.’’ » ?
Il
y a là, dans la demande de Jésus, un premier acte de reconnaissance qui
transgresse radicalement les séparations morale, religieuse et politique,
instituées par l’histoire. Un acte génératif d’une reconnaissance réciproque,
car elle permet à Jésus de faire comprendre à la Samaritaine la signification
de sa demande. « Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te
dit : Donne-moi à boire... », lui souffle-t-il.
Attention : la lecture au plus près du texte grec
et selon la rhétorique des contemporains de Jean rétablit ainsi le sens de cette
phrase énigmatique : « Celui qui te dit : ’’donne-moi à boire’’
est le don de Dieu… » Et
lui-même a une « eau vive » (ὕδωρ ζῶν / ùdor zón / « eau
vivante ») à donner à boire à la Samaritaine et à ceux qui n’auront dès
lors plus jamais soif.
Don
et contre-don, en quelque sorte, où se joue une reconnaissance réciproque aux perspectives évidemment spirituelles.
D’ailleurs,
la Samaritaine répond aussitôt à Jésus en le nommant « Seigneur ».
***
Mais
le mot « don » n’est pas le terme juste, même si c’est celui qu’ont
choisi toutes nos traductions diverses et variées.
L’évangile
n’est pas un traité d’anthropologie et Jean n’est pas un disciple de Marcel
Mauss. Ici, il s’agit de théologie.
Le
verset 10 est, de ce point de vue, un moment de basculement : (Je cite)
« Jésus lui répondit : Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui
qui te dit : Donne-moi à boire !, c’est toi qui lui aurais demandé (à boire),
et il t’aurait donné de l’eau vive. » Ici, « don », δωρεὰν (dōrean) en grec, doit être bien mieux
traduit par le mot « grâce », c'est-à-dire le don gratuit ou
gracieux. Et quatre occurrences de dōrean
dans le Nouveau Testament le démontrent de façon particulièrement adéquate à
notre texte du jour.
Je
cite :
Matthieu
(10:8) : « Guérissez les malades, réveillez les morts, purifiez les
lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement,
donnez gratuitement.
Romains
(3:24) : « Et c’est gratuitement
qu’ils sont justifiés par sa grâce, au moyen de la rédemption qui est en
Jésus-Christ. »
Apocalypse
de Jean (21:6) : « Il me dit : C’est fait ! Je suis l’Alpha et
l’Oméga, le commencement et la fin. A celui qui a soif, je donnerai de la
source de l’eau de la vie, gratuitement. »
Et
l’Apocalypse de Jean encore (22:17) : « L’Esprit et l’épouse disent :
Viens ! Que celui qui entend, dise : Viens ! Que celui qui a soif, vienne ; que
celui qui veut, prenne de l’eau de la vie gratuitement
! »
***
« L’eau
de la vie », ou « eau vive », ὕδωρ ζῶν / ùdor zón :
« eau vivante »…
Mais
de quoi est-elle donc faite, cette « eau vive » ? Vérité,
Esprit, grâce… La métaphore est bien entendu infinie.
Mais
Jean nous répond par degrés, au fil du dialogue très socratique qui emporte
Jésus et la Samaritaine jusqu’à des horizons de sens toujours plus élevés.
Comme s’il nous invitait à le suivre sur la fameuse échelle de Jacob (tiens, le
revoici celui-ci, comme sorti de son puits…), l’échelle où « les anges de
Dieu montaient et descendaient », selon la Genèse (28:12).
Une
échelle que connaît parfaitement Jean puisque, dès le premier chapitre de son
évangile, il y fait clairement allusion : (Je le cite) « Et il lui
dit : Amen, amen, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert, et les anges de
Dieu monter et descendre sur le Fils de l’homme. »
Dans
le sens de la montée, donc, la Samaritaine va successivement reconnaître en
Jésus un « Seigneur », aux versets 11, 15 et 19, puis un
« prophète », au verset 19, puis le Messie « qu’on appelle
Christ », au verset 25.
Dans
le sens de la descente, Jésus plonge dans le cœur, dans l’âme et dans l’esprit
de la Samaritaine, y découvrant la vérité
nue de sa vie, c’est-à-dire sa soif d’amour sans limite, soif que symbolise la
succession de ses cinq maris (symboles des cinq dieux des Samaritains
primitifs, ou des cinq livres du Pentateuque que ce peuple acceptait comme seul
livre saint ?) et même de « celui (qu’elle a) maintenant (et qui)
n’est pas (s)on mari ».
Alors,
entre la fournaise infernale de la terre à midi et la lumière divine du ciel à
la même sixième heure, la Samaritaine et Jésus montent et descendent ensemble sur tous les échelons de la grâce.
Une grâce qui est autant la soif divine de l’adoration humaine, en esprit et en
vérité, que la soif de l’homme - en l’occurrence de la femme - d’Esprit saint.
La
grâce est un dialogue. Elle est vaine, si elle ne génère pas un « rendre
grâce » qui la reconnaît et en annonce même la bonne nouvelle.
Dans
la suite de notre épisode, la Samaritaine, reconnue dans la vérité de son
humanité, laissera sa jarre sur la margelle du puits de Jacob et courra à la
ville pour révéler aux siens, les Samaritains méprisés mais toujours si
« bons », la venue du Messie « qu’on appelle Christ ». Et
les siens la croiront, accueillant Jésus chez eux pendant deux jours.
« Beaucoup de Samaritains de cette ville-là mirent leur foi en lui à cause
de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : Il m'a dit tout ce
que j'ai fait », raconte le verset 39 de notre chapitre.
***
Dieu
est en quête de l’homme autant que l’homme espère en Lui, surtout quand l’heure
vient.
Soif
pour soif ; don de l’eau du
puits pour don d’une source
jaillissante d’eau vive « jusque dans la vie éternelle » ; amour
et vérité pour Esprit. Jésus s’est
révélé homme fragile parmi les hommes, mais aussi Seigneur, prophète et Messie,
tout à la fois. Déclarant sa propre soif avant d’étancher celle d’une
Samaritaine, il a, en quelque sorte, ouvert le chemin vers Pâques et la
Résurrection.
Car
au moment même de la dernière reconnaissance de sa qualité surnaturelle par la
Samaritaine, celle de « Messie », Jésus-Christ va nous faire une
ultime révélation.
Il
est certes, je cite, « Parole devenue chair », « Fils unique
issu du Père » et « Dieu Fils unique qui est sur le sein du
Père », comme l’affirme généreusement le prologue de l’évangile de Jean.
Mais il est, in fine, Dieu lui-même.
Au
verset 26, selon toutes nos fautives traductions, Jésus dit à la Samaritaine
qui le qualifie de Messie : « Je le
suis, moi qui te parle. » Mais le texte grec de tous les manuscrits
dit plus mystérieusement : « Je suis. » / Ἐγώ εἰμι (Ego
eimi). Il fait alors écho au « Je suis qui je suis » (en hébreu :
Ehyeh-Asher-Ehyeh / אהיה אשר אהיה) du livre de l’Exode
(3:14), quand Dieu dit à Moïse : « Je suis celui qui suis. »
Que
celui qui a des oreilles entende !
***
Mais,
au fait, quelle heure est-il ?
Non,
mes sœurs et mes frères, ne regardez pas vos montres. Je vais vous dire.
N’est-il
pas bientôt midi ? Et n’est-elle pas déjà venue l’heure d’adorer Dieu en
esprit et en vérité ?
Ma
sœur, mon frère, vers quel puits d’eau vive dirigeras-tu tes pas, au sortir du
temple ? Vers quelle Samaritaine marginalisée, méprisée, humiliée, ou vers
quel Jésus esseulé, fatigué, assoiffé porteras-tu ton secours, voire ton
amour ? A qui donneras-tu à boire aujourd’hui ?
Avec
quelle étrangère ou quel étranger commenceras-tu, ou approfondiras-tu, un
dialogue en vérité et en esprit, une conversation où chacune et chacun offre et
reçoit la reconnaissance de l’autre, et donc du Tout autre ?
A
qui donneras-tu gratuitement à boire de cette eau vive, de cet amour que nous a
enseigné la rencontre providentielle de Jésus avec la Samaritaine ?
Je
te rends grâce, Seigneur, pour la méditation que ces merveilleux versets de
Jean nous suggèrent, ce midi, pour cette bonne nouvelle qui est ainsi apportée
à tous, enfants de Moïse, d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, sœurs et frères de la
Samaritaine et de Jésus-Christ.
Amen !
[1]
Jean Calvin, Commentaires bibliques.
Evangile selon Jean (1553), Editions Kerygma & Editions Farel, 1978,
pp. 107 et 108.
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