Béhémoth et Léviathan, aquarelle préparatoire de William Blake pour les illustrations du Livre de Job (1826)
Apocalypse de Jean, 3, 13-15 (Segond 1910)
Écris
à l'ange de l'Église de Laodicée : Voici ce que dit l'Amen, le témoin
fidèle et véritable, le commencement de la création de Dieu :
Je connais tes œuvres...
Dès 1942,
n’ayant pas encore connaissance du génocide des Juifs, mais ayant tout compris
du nazisme, bien qu’exilé aux États-Unis, Franz Neumann écrit un livre incroyable,
ayant pour titre Béhémoth ; Structure et pratique du
national-socialisme. Ce livre fut publié en 1942 aux États-Unis, et
rapidement réédité. Il ne fut traduit et édité en France qu’en 1986, chez
Payot. Neumann, qui appartient à l’École de Francfort, affirme que le
national-socialisme est le règne de l’anarchie, des voyous et des intérêts
particuliers. Ce n’est pas le Léviathan, contrairement à la compréhension
commune, c’est-à-dire un État totalitaire monolithique et tout-puissant. C’est,
au contraire, la disparition de la Loi, l’explosion des intérêts particuliers,
et la violence déchaînée, à commencer par celle des plus forts et des plus
malfaisants. C’est cela, le Béhémoth, la figure mythique du Béhémoth[1],
pluriel superlatif du mot qui désigne, en hébreu biblique, le bétail, les animaux
domestiques (Genèse, I, 24). Dans le livre de Job (XL, 15), Béhémoth prend
l’allure d’un pluriel intensif et mythique : il désigne la Bête par
excellence, la force animale que Dieu peut seul maîtriser, mais dont la
domestication échappe à l’homme. On retrouve aussi le Béhémoth dans la
littérature apocalyptique juive, au seuil de l’ère chrétienne. Dans le Baruch
syriaque (XXIX, 4), il est dit que Béhémoth et Léviathan, apparus au cinquième
jour de la Création, seront servis en nourriture aux Justes, lors du grand
banquet messianique. La même idée se retrouve dans le Quatrième Livre d’Esdras
(VI, 47).