Nos racines juives, 
 d’Antoine Nouis,
 Éditions Bayard, 150 p., 14,90 €
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,/ Et les mots pour le dire arrivent aisément » : ces vers classiques de l’Art poétique
 (1674) de Nicolas Boileau pourraient offrir un commentaire pertinent du
 dernier livre du pasteur Antoine Nouis, longtemps directeur de la 
rédaction de l’hebdomadaire protestant Réforme, aujourd’hui 
conseiller théologique du même journal. Car, en à peine cent cinquante 
pages aérées, l’auteur, dont un catéchisme et les prédications publiées 
sous forme de livres pédagogiques (1) ont connu un incontestable succès,
 met en œuvre une science exégétique très profonde de toute la Bible, 
« Premier » et « Nouveau » Testaments unis entre eux comme rarement, 
sans la moindre complexité d’expression.
Le Temple et le Livre
 
La lecture trop rapide de Nos racines juives
 pourrait laisser croire qu’Antoine Nouis ne fait part que d’un 
sentiment personnel ou même d’une opinion qui pourraient se résumer au 
credo scandé de sa conclusion : « Je crois aux racines juives, parce 
que… » Mais, dans un style qui vise à l’épure, l’écrivain formé par des 
décennies d’expérience pastorale, passe en revue, de façon très 
systématique, les échos essentiels et les références les plus explicites
 du « Premier Testament dans le Nouveau ». À propos des prophètes, par 
exemple, Antoine Nouis donne une interprétation radicale – c’est-à-dire 
qui va jusqu’aux racines – du célèbre épisode de Jésus chassant les 
marchands du Temple, commun aux quatre évangiles, mais qu’il choisit de 
citer selon Marc. Ainsi, il inscrit Jésus dans la tradition prophétique 
de critique virulente du Temple transformé en « caverne de bandits » et,
 particulièrement, dans le sillage d’Ésaïe.
« C’est
 parce qu’il a contesté le Temple que Jésus a été mis à mort », en 
déduit l’exégète protestant. Mais, prévient-il, aussitôt, cela ne 
signifie en rien une opposition théologique entre christianisme et 
judaïsme. Cet épisode crucial met plutôt en scène « la tension entre 
deux logiques : la logique du Temple et la logique du Livre », tension 
très vive et permanente que partagent en réalité les deux religions. Il 
est, par-là, « le signe de l’opposition frontale de l’Évangile au temple
 de Jérusalem et à ce qu’il représente », c’est-à-dire à une « économie 
religieuse », voire à « une bureaucratie qui privilégie ses règles de 
fonctionnement à la parole qui la fonde ».
Erreur de raisonnement
Pour
 que son propos soit parfaitement entendu, le sujet ayant généré tant de
 méprises, Antoine Nouis insiste : « Appliquer au judaïsme 
d’aujourd’hui, qui est un judaïsme du Livre, les critiques que Jésus ou 
Paul adressaient au judaïsme du Temple, revient à commettre une erreur 
de raisonnement. »
Le livre n’est pas 
grand par la taille, ni par le nombre très raisonnable de ses pages, 
mais il fait remonter au jour, avec un naturel vigoureux, les fruits de 
plusieurs décennies d’études et de méditations bibliques. « Depuis 
cinquante ans que je lis le Premier Testament et depuis trente ans que 
je me nourris des commentaires des sages (rabbins), j’y trouve une 
nourriture pour ma foi », conclut humblement son auteur. L’esprit du 
lecteur y trouve, en conséquence, lui aussi, une substantielle 
nourriture spirituelle, mais son cœur est, de plus, touché par la 
chaleureuse empathie chrétienne d’Antoine Nouis pour « nos racines 
juives ».
(1) Principalement aux éditions Olivétan.

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