Prédication du 28 mai 2017,
temple Port-Royal / Quartier latin (Paris 5 et 13)
Antoine Peillon SDG
Sur Jean 17,1-11
Duccio di Buoninsegna (Sienne vers 1255-1260 - vers 1318-1319)
Jean 17,1-11 (Bible Segond, 1910)
1 Après avoir ainsi parlé, Jésus leva les yeux
au ciel, et dit : Père, l'heure est venue ! Glorifie ton Fils, afin que ton
Fils te glorifie, 2 selon que tu lui as donné pouvoir sur toute chair, afin
qu'il accorde la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. 3 Or, la vie
éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu
as envoyé, Jésus-Christ. 4 Je t'ai glorifié sur la terre, j'ai achevé l'œuvre
que tu m'as donnée à faire. 5 Et maintenant toi, Père, glorifie-moi auprès de
toi-même de la gloire que j'avais auprès de toi avant que le monde fût.
6 J'ai fait connaître ton nom aux hommes que tu
m'as donnés du milieu du monde. Ils étaient à toi, et tu me les as donnés ; et
ils ont gardé ta parole. 7 Maintenant ils ont connu que tout ce que tu m'as
donné vient de toi. 8 Car je leur ai donné les paroles que tu m'as données ; et
ils les ont reçues, et ils ont vraiment connu que je suis sorti de toi, et ils
ont cru que tu m'as envoyé. 9 C'est pour eux que je prie. Je ne prie pas pour le
monde, mais pour ceux que tu m'as donnés, parce qu'ils sont à toi ; - 10 et tout
ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi; -et je suis glorifié
en eux. 11 Je ne suis plus dans le monde, et ils sont dans le monde, et je vais
à toi. Père saint, garde en ton nom ceux que tu m'as donnés, afin qu'ils soient
un comme nous.
***
1 Après avoir ainsi parlé, Jésus leva
les yeux au ciel, et dit : Père, l'heure est venue !
Ou, autrement dit : « l’heure est
grave ! » Cruciale, même. Un peu effrayante. Et c’est
maintenant !
D’un coup, nous voici presque abandonnés. « Pourquoi
m’as-tu abandonné ? », serions-nous même tentés de dire à Jésus, à
cet instant où il lève ses yeux vers le ciel, ne nous regardant plus.
Jésus ne parle plus aux apôtres, auxquels il
vient de tenir un long discours d’adieu, aux chapitres 14 à 16 de notre
évangile, après le lavement de leurs pieds (ch. 13), en ce dernier repas qui
est le modèle de notre sainte Cène.
Jésus vient de leur dire ces derniers
mots un peu énigmatiques, plutôt inquiétants, au dernier verset (le 33) du
chapitre 16 de Jean : « Je vous ai parlé ainsi, pour que vous
ayez la paix en moi. Vous aurez des tribulations dans le monde ; mais prenez
courage, moi, j'ai vaincu le monde. »
Les voici donc seuls avec eux-mêmes, les
apôtres, les premiers disciples, et finalement tous les disciples qui suivront,
tandis que Jésus s’échappe de ce monde qu’il dit avoir vaincu, de ce monde où
nous restons et où nous sommes destinés à avoir « des tribulations »,
tandis que le maître se tourne vers son Père, dans l’intimité et la solitude de
la prière.
Tandis qu’il commence son ascension, qu’il
s’élève déjà vers le ciel et que nous, nous restons sur terre !...
« L’heure est venue », donc. Mais
que nous promet-elle ? Que nous propose Jésus-Christ (ainsi se nomme-t-il,
ici, lui-même, de façon exceptionnelle), que nous révèle-t-il en cet instant
aussi intensément théologique que celui du Prologue de l’évangile de
Jean ? Quelle bonne nouvelle nous laisse-t-il, maintenant qu’il va à son
Père après avoir achevé l’œuvre que Celui-ci lui avait donné à faire ?
« L’heure est venue » et, dans ce
moment eschatologique, en cette synthèse de tout le Nouveau Testament qu’est le
chapitre 17 de l’évangile de Jean, le Fils demande la glorification à son Père
afin de le glorifier réciproquement, et il nous révèle, en renonçant au procédé
chiffré des paraboles, rien de moins que le secret de « la vie
éternelle » !
Un secret, un mystère diraient certains, qui
nous consacrera chrétiens et donnera donc tout son sens à notre mission dans le
monde, à notre sacerdoce universel, puisque nous sommes protestants.
Mais procédons par étapes, en relisant
attentivement ce texte d’une rare densité.
***
Si vous avez déjà entendu prêcher sur les
premiers versets du chapitre 17 de Jean, vous connaissez sans doute ce qui peut
être dit :
· de la vie
éternelle comme connaissance de Dieu,
· de la
reconnaissance de la seule gloire de Dieu,
· du nom enfin
prononçable de Dieu, dans la confiance de la prière,
· ou de
l’union harmonieuse des disciples sur le modèle de l’unité du Père et du Fils…
et bientôt du saint Esprit.
Aussi, je passerai un peu rapidement sur ces
thèmes pourtant certes essentiels.
***
La connaissance.
3 la vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent,
toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ
Le mot « connaître » revient 7 fois
dans la prière de Jésus à son Père. Ce mot est à comprendre dans son sens
judaïque plutôt que grec. Il ne s’agit donc pas ici d’une connaissance
intellectuelle ou conceptuelle, c’est-à-dire philosophique, mais d’un
« naître-avec », ou même d’un « re-naître dans ». La vie
avec et en Dieu, c’est cela la vie éternelle, comme une sorte de Création
continuée à l’infini.
Consécration. Jésus prie pour que ses
disciples soient « consacrés dans la vérité » (Jn 17:17). Consacrer,
c'est « rendre sacré », c'est-à-dire séparer du profane et faire
appartenir à Dieu. C’est la sanctification au sens le plus profond, Dieu seul
étant « Saint ». Triple consécration : le Père a envoyé le Fils et
l’a consacré (Jn 10:36). Jésus se « consacre lui-même [dans le sacrifice de sa
mort] pour qu’ils soient eux aussi [les disciples] consacrés en vérité » (Jn
17:19). La consécration est en même temps séparation et mission : retirés
du monde pour y être envoyés : « Je les ai envoyés dans le monde » (Jn
17:18).
***
La gloire.
4 Je t'ai glorifié sur la terre, j'ai achevé l'œuvre que tu m'as donnée à
faire. 5Et maintenant toi, Père, glorifie-moi
auprès de toi-même de la gloire que
j'avais auprès de toi avant que le monde
fût.
Quelle boucle !
A Dieu seul la gloire (Soli Deo Gloria), donc !
« Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire,
aux siècles des siècles », comme nous le rappelle sans jamais nous lasser
la doxologie du Notre Père (Matthieu 6:13 et Didachè)…
***
Nom de Dieu.
6 J'ai fait connaître ton nom aux hommes que tu m'as donnés du milieu du monde.
Jésus est le nouveau Moïse. « Je leur ai
fait connaitre ton Nom », insiste Jn 17:26.
Un Dieu qui donne son Nom, dont le Nom est
révélé, prononçable, pas comme le tétragramme (YHWH : yod, hé, waw, hé)
des Hébreux : ce Dieu se laisse invoquer et entre en relation avec les
humains. Il est ainsi présent parmi nous.
Car qui voit Jésus voit le père affirme Jn
14 : 8Philippe lui dit : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous
suffit. 9Jésus lui dit : il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne
m'as pas connu, Philippe ! Celui qui m'a
vu, a vu le Père. Comment dis-tu : Montre-nous le Père ?
Dieu entre ainsi radicalement dans le monde
des hommes : par et dans la personne de Jésus. Cette nouvelle immanence est l’incarnation
du divin, Parole, Lumière, le chemin, la vérité et la vie…
***
Unité.
11 Père saint, garde en ton nom ceux que
tu m'as donnés, afin qu'ils soient un comme nous.
Le thème revient plusieurs fois dans
l’évangile de Jean. Ici, l’unité du Père et du Fils est génératrice de l’unité
des disciples. Plus loin, Jésus postule l’unité de « eux en nous » (Jn 17:21)
pour « que tous soient un » (Jn 17:21).
Au début du livre des Actes des apôtres, nous
pouvons trouver cette précision, si nous en avons encore besoin : « La
multitude de ceux qui avaient cru était un cœur et une âme… » (Act. 4:32)
***
Mais il nous faut venir, maintenant, sur une
dimension plus profonde, et plus actuelle aussi, de la vie éternelle.
Une dimension qui ne relève pas des œuvres, à
proprement parler, mais bien de notre éthique, tout de même, c'est-à-dire de
notre façon d’être en notre vie sur la terre.
Une dimension qui interpelle notre façon de
recevoir, de connaître et de reconnaître la grâce de Dieu, de glorifier le Père
et le Fils unis, à l’exclusion de toute idole, prince ou autre puissance. Notre
façon de prier et de nous aimer fraternellement…
Car il s’agit désormais du monde. Ou plutôt : Être ou ne pas
être dans le monde. Être ou ne pas
être du monde ou de ce monde… Telle est aujourd’hui la question, parce que ce monde
va mal et qu’une part de l’humanité n’y est peut-être pas pour rien…
Relisons les derniers et décisifs versets de
notre péricope de ce dimanche :
9C'est pour eux que je prie. Je ne
prie pas pour le monde (οὐ περὶ τοῦ
κόσμου ἐρωτῶ / ou perí toú kósmou erotó),
mais pour ceux que tu m'as donnés, parce qu'ils sont à toi (…). 11Je ne suis plus dans le monde (Καὶ οὐκέτι
εἰμὶ ἐν τῷ κόσμῳ / Kaí oukéti eimí en tó
kósmo), et ils sont dans le monde (καὶ οὗτοι ἐν τῷ κόσμῳ εἰσίν / kaí oútoi en tó kósmo eisín), et je
vais à toi.
S’il vous plaît : ne nous offusquons pas
trop vite, parce que Jésus-Christ « ne prie pas pour le monde ».
Entendu par Jean, le monde, le kosmos, n’a pas grand-chose à voir avec
ce magnifique univers où scintillent des milliards d’étoiles. Pour
l’évangéliste, qui utilise le terme pas moins de 78 fois, « kosmos »
désigne tour à tour l’univers, la terre, mais aussi l’humanité en général, puis
les non-croyants, puis la société hostile aux chrétiens. Tous ces sens pour un
seul mot !
Aussi, pour y retrouver le sens de
« monde » que nous cherchons aujourd’hui en Jean 17, je vous propose
de relever, dans tout le quatrième évangile, quelques occurrences signifiantes.
Tout d’abord, recherchons les occurrences de
« dans le monde », puisque c’est la proposition qui structure notre
verset 11 final.
·
Dans le Prologue (Jean 1) : 9Cette lumière était
la véritable lumière, qui, en venant
dans le monde, éclaire tout homme.
10Elle était dans le monde, et le monde
a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue. 11Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont point reçue. 12Mais
à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le
pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, 13non du sang, ni de la
volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.
Dans le monde, nous trouvons donc premièrement la véritable lumière.
·
Jean 3 : 16Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que
quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. 17Dieu, en effet, n’a pas envoyé
son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit
sauvé par lui. 18Celui qui croit en
lui n’est point jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il
n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. 19Et ce jugement c’est que, la lumière étant venue dans le monde,
les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres
étaient mauvaises.
Dans le monde, nous trouvons le salut !
· Jean
6 : 14-15 : 14Ces
gens, ayant vu le miracle (de la multiplication des pains et des poissons) que
Jésus avait fait, disaient : Celui-ci
est vraiment le prophète qui doit venir dans le monde. 15Et Jésus, sachant
qu’ils allaient venir l’enlever pour le
faire roi, se retira de nouveau sur
la montagne, lui seul.
Dans le monde, nous rencontrons LE prophète, lequel rejette par ailleurs
d’être fait roi.
·
Jésus s’apprêtant à
guérir un aveugle de naissance : Jean 9:5 : Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du
monde.
·
Jésus, ayant
guéri l’aveugle de naissance : 9:39 :
Puis Jésus dit : Je suis venu dans ce
monde pour un jugement, pour que ceux qui ne voient point voient, et que
ceux qui voient deviennent aveugles.
·
En 10:36 : Alors que l’on célébrait à
Jérusalem la fête de la Dédicace, que c’était l’hiver et qu’il se promenait
dans le temple, sous le portique de Salomon, Jésus affirme qu’il est « celui que le Père a sanctifié et envoyé
dans le monde ».
· En 11:27,
Marthe répond à Jésus : « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui
devait venir dans le monde. »
Dans le monde, se révèle à nous le Messie et
le Fils de Dieu.
·
A Béthanie, après
avoir « ressuscité Lazare des mort », 12:23-25 : 23Jésus leur répondit : L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. 24En
vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne
meurt, il reste seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. 25Celui
qui aime sa vie la perdra, et celui qui hait (ne s’attache pas à) sa vie dans ce monde la conservera pour
la vie éternelle.
·
En 12:46 : Je suis venu comme une lumière dans le monde, afin que quiconque
croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres.
·
Avant le lavement
des pieds de ses disciples, lors de leur dernier repas : 13:1 : Avant la fête de Pâque,
Jésus, sachant que son heure était venue
de passer de ce monde au Père, et ayant
aimé les siens qui étaient dans le monde, mit le comble à son amour pour
eux.
·
Lors de son
discours d’adieu à ses disciples : 16 :28 :
Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde ; maintenant
je quitte le monde, et je vais au Père. Et 16 :33
(dernier vertset !) : Je
vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi. Vous aurez des tribulations dans le monde ; mais prenez
courage, j’ai vaincu le monde.
On le comprend, dès lors : sans l’ombre
d’un doute, être ou venir « dans le monde » relève de l’œuvre de
Jésus « envoyé » par le Père, en tant que « véritable
lumière », « prophète », « Messie » et « Fils de
Dieu », mais surtout pas « roi »…
***
Mais s’arrêter en si bon chemin nous ferait
perdre la seconde face de notre double quête : Être ou ne pas être dans le monde. Être ou ne pas être du monde ou de ce monde…
Car il n’y a pas, dans Jean, de prédication
sur être « dans le monde » sans opposition dialectique avec être
« du monde » ou « de ce monde ». Et seul ce versus métaphysique, ce combat perpétuel
entre Dieu et Satan, nous permet de saisir toute la révélation de la prière de
Jésus-Christ à son Père.
Car dans Jean 17:11-16, « dans le
monde » (en tó kósmo) est constamment opposé à « de ce monde » (ek
toú kósmou).
Lisons !
11Je
ne suis plus dans le monde (Καὶ οὐκέτι εἰμὶ ἐν τῷ κόσμῳ / Kaí oukéti eimí en tó kósmo), et ils
sont dans le monde (καὶ οὗτοι ἐν τῷ κόσμῳ εἰσίν / kaí oútoi en tó kósmo eisín), et je vais à toi. (…) 14Je leur ai donné ta parole ; et le monde les a haïs, parce qu'ils ne sont
pas du monde, comme moi je ne suis
pas du monde (ὅτι οὐκ εἰσὶν ἐκ τοῦ κόσμου,
καθὼς ἐγὼ οὐκ εἰμὶ ἐκ τοῦ κόσμου / óti
ouk eisín ek toú kósmou, kathós egó ouk eimí ek toú kósmou) (le « ek » indique la
provenance, l’origine, ce sur quoi l’être humain fonde souvent son existence,
ses droits du sang, du sol, sa passion des frontières et de la guerre…). ET ATTENTION ICI : 15Je ne te prie pas de les ôter du monde,
mais de les préserver du mal (ἐκ τοῦ
πονηροῦ / ek toú poniroú) : « prince de ce monde »,
ou « puissance du mal » : Jean 12:31, 14:30, 16:11 et, toujours
dans l’école johannique, 1 Jn 2:13-14, 3:12, 5:18-19). 16Ils ne sont pas du monde,
comme moi je ne suis pas du monde (Ἐκ
τοῦ κόσμου οὐκ εἰσίν, καθὼς ἐγὼ ἐκ τοῦ κόσμου οὐκ εἰμί. / Ek toú kósmou ouk eisín, kathós egó ek toú kósmou ouk
eimí.).
***
Ainsi,
autant être, venir ou aller « dans le
monde », c’est donc bien marcher dans les pas de Jésus-Christ et connaître
« la vie éternelle »,
autant être « de ce monde » relève
du mal et suit la voie de Satan.
Occurrences « de ce monde » dans
Jean
Jésus, parlant aux scribes et au
pharisiens : 8:23 Et il leur
dit : Vous êtes d’en bas ; moi, je suis d’en haut. Vous êtes de ce monde ; moi, je ne suis pas de ce monde. Après
avoir dit : Vous jugez selon la chair ; moi, je ne juge personne.
(8:15), parce qu’il vient de sauver une femme adultère de la lapidation, au
mont des Oliviers.
12:31
Maintenant a lieu le jugement de ce
monde ; maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors. Après avoir
averti (12:23) : Jésus leur répondit : L’heure est venue où le Fils de
l’homme doit être glorifié.
Dans son discours d’adieu à ses
disciples (Jean 16:7-11) :
7Cependant je vous dis la vérité : il vous est avantageux que je m’en aille,
car si je ne m’en vais pas, le consolateur (ho parakletos / le Paraclet) ne
viendra pas vers vous ; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai. 8Et quand il
sera venu, il convaincra le monde en ce qui concerne le péché, la justice, et
le jugement : 9en ce qui concerne le péché, parce qu’ils ne croient pas en moi
; 10la justice, parce que je vais au Père, et que vous ne me verrez plus ; 11le
jugement, parce que le prince de ce
monde est jugé.
Lors de l’interrogatoire de Jésus par
Pilate (Jean 18:33-37) :
33Pilate rentra dans le prétoire, appela Jésus, et lui dit : Es-tu le roi des
Juifs ? 34Jésus répondit : Est-ce de toi-même que tu dis cela, ou d’autres te
l’ont-ils dit de moi ? 35Pilate répondit : Moi, suis-je Juif ? Ta nation et les
principaux sacrificateurs t’ont livré à moi : qu’as-tu fait ? 36Mon royaume n’est pas de ce monde,
répondit Jésus. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient
combattu pour moi afin que je ne fusse pas livré aux Juifs ; mais
maintenant mon royaume n’est point d’ici-bas.
***
Et nous, quel est donc notre sacerdoce, depuis
que Jésus-Christ est de nouveau uni à son Père ?
Marcher « dans le monde », sur les
pas de Jésus-Christ ; recevoir, par la grâce de Dieu, la vie
éternelle ? Et porter inlassablement la Bonne nouvelle ?
Ou bien, pactiser avec le prince de ce
monde ; être « du monde » (c’est-à-dire extrême-mondain…) pour
finir « jugé » et « jeté dehors », c’est-à-dire hors du
Royaume ? Croire en quelle chair, guerroyer pour quel sol, sacrifier à
quel sang ? Semer quelle malédiction ?
« Comment faire ? », me
direz-vous.
Au XIIe siècle, un certain Jean de
Salisbury faisait dire à son maître Bernard de Chartres : « Nous sommes comme des nains assis sur des
épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce
n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est
parce que nous sommes élevés par eux. »
Nous devons tant, effectivement, à la
tradition !
Ainsi, j’aime rappeler que c’est un théologien
luthérien du XVIe siècle, David Chytraeus (1530-1600), qui parla le
premier du chapitre 17 comme étant la « Prière sacerdotale » de
Jésus, dénomination reprise depuis par tous les exégètes et théologiens
chrétiens.
Ecoutons notre maître Jean Calvin, commentant
le fantastique verset 11 de la Prière sacerdotale de Jésus-Christ :
« Or nous avons une grande
consolation de ceci, quand nous entendons que le Fils de Dieu est tant plus
soigneux du salut des siens, quand il les laisse selon le corps (sur terre).
Car il faut en recueillir qu’aujourd’hui aussi, quand nous sommes travaillés en
ce monde, il a ses yeux (sur nous) pour remédier d’en haut de sa gloire céleste
à toutes nos angoisses et fâcheries. »
Et méditons enfin sur ce sermon (81)
d’Augustin, maître de Luther et de Calvin, prêché en pleine chute de
Rome : « A ces mots :
« Malheur au monde à cause des scandales ! » tu te demandais où
fuir en dehors du monde pour y échapper. Mais où fuir hors du monde, pour se
préserver des scandales, sinon vers Celui qui a fait le monde ? Et comment fuir
vers Celui qui a fait le monde, sinon en écoutant sa loi publiée partout ? Que
dis-je ? en l’écoutant ? Il nous faut l'aimer. (…) Aimez donc la loi de Dieu et
que pour vous il n'y ait pas de scandale. Nous vous en prions, nous vous en
conjurons, nous vous y exhortons, soyez compatissants pour ceux qui souffrent, accueillez
les malheureux ; et maintenant qu'on voit tant d'étrangers, tant de pauvres,
tant de malades, donnez largement l'hospitalité, multipliez vos bonnes œuvres.
Que les chrétiens fassent ce que commande le Christ et les païens en
blasphémant ne nuiront qu'à eux-mêmes. »
Augustin, merci de nous parler ainsi, à nous
qui allons dans le monde du XXIe
siècle et qui résistons, autant que possible, à la tentation d’être de ce monde.
Amen !
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